Par Serge Gleizes
C’est le spectacle à ne pas rater, celui qui fait salle comble. Du hip-hop donc. Un peu loin des spectrales wilis de Giselle, ces nymphes revenant sur terre pour hanter les hommes qui les ont trahies. Avec Pixel, exit bluette d’un autre temps ! Quoique… Cela dit, le monde n’est-il pas passionnant parce qu’il est éclectique ?
Pixel, c’est donc un voyage fascinant et hypnotique. Un condensé d’énergie, de virtuosité, d’acrobatie et de précision, l’un des points forts de la vingt quatrième édition du festival Suresnes cités danse. Des mouvements au ralenti qui défient les lois de la pesanteur, des arrêts sur image où les corps semblent tenir par un fil, et surtout toute une gestuelle codée qui semble si facile. Nenni ! J’ai tenté une fois rentré chez moi la plus facile des figures et ai failli me vriller les deux rotules. Car à cette danse née dans la rue qui envahit aujourd’hui les plus sérieuses salles de théâtres au monde, Mourad Merzouki, le maître du jeu, a ajouté la magie de la pixellisation. Onze interprètes virtuoses, danseurs, acrobate, contorsionniste… glissent, volent, rampent, planent au milieu de millions de pixels, de points lumineux qui les caressent comme les ailes du vent, des gouttes d’eau, des flocons de neige. Mais au-delà de cette interprétation très poétique des choses, Pixel nous plonge dans ce qui nous submerge aujourd’hui, l’image, le virtuel, l’informatique. Et c’est cela dont Mourad Merzouki nous parle, l’existence de deux mondes, l’un irréel, l’image numérique donc, et l’autre bien réel, le corps, la musique et la danse, à moins que le réel, ou l’irréel, ne soit pas celui que l’on croit, tant la frontière entre les deux est impalpable. Mais peu importe, à la fin de l’heure de show, standing ovation !
Les auteurs de cette magie informatique s’appellent Adrien Mondot et Claire Bardainne, lui informaticien, jongleur, danseur, musicien, elle plasticienne, designer graphique et scénographe. L’autre élément magique, c’est évidemment la musique signée Armand Amar, d’origine marocaine, né à Jérusalem, fan de mélodies extra-européennes et qui a bossé pour les danseuses et chorégraphes Marie Claude Pietragalla, ancienne étoile de l’opéra de Paris, ou encore pour l’illustre Carolyn Carlson.
Né à Lyon en 1973, fan d’arts martiaux, de cirque et de hip-hop depuis l’âge de quinze ans, Mourad Merzouki s’est toujours passionné pour les autres formes d’expression chorégraphique. Dès le début, il va voir du côté de Maryse Delente, Jean-Francois Duroure, Josef Nadj… pour se faire une idée de ce qu’est la danse contemporaine. Et le métissage porte ses fruits puisqu’il crée en 1989 une première compagnie de groupe, Accrorap. 1994, Athina présenté lors de la biennale de Lyon leur apporte la consécration. Suivent Récital en 1998 et Dix Versions en 2001. 1996, il fonde sa propre compagnie Käfig. Depuis 2009, Mourad Merzouki dirige le Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val de Marne ainsi que plusieurs festivals de hip-hop dont le tout dernier Kalypso créé en 2013. En vingt ans, 25 spectacles, 150 représentations dans le monde… De quoi donner le tournis !
Prochaines dates : 24 et 25 mars à Radiant Bellevue à Caliure et Cuire ; 19 avril au Colisée à Roubaix ; 27 avril, Le Phénix à Valenciennes.