Quatre ans de rénovation du mythique palace sarde par l’agence parisienne Moinard & Bétaille. Histoire d’une architecture sculpture réalisée par Jacques Couëlle dans les années soixante et que le duo parisien a plongé dans la modernité sans renier son histoire.
Par serge Gleizes
Tout a changé et pourtant tout parait comme avant. Telle est la meilleure définition de l’excellence en terme de rénovation confient Bruno Moinart et Claire Bétaille. Au Cala di Volpe, le passé a donc été respecté sans sombrer pour autant dans l’idolâtrie. Sans doute aussi parce que Bruno Moinard, également peintre, et Claire Bataille, historienne de l’art, diplômée de l’école du Louvre et de Camondo, ont la fibre sensible. Murs en plâtre sculpté, boiseries naturelles, verres de couleur, terres cuites méditerranéennes, meubles dessinés sur mesure… les deux architectes ont réorchestré avec leur poésie habituelle ce lieu que le prince Karim Aga Khan fit construire en 1960 par Jacques Couëlle, grand architecte inventeurs des « maisons sculptures », d’apparence brut et enfouies dans leur environnement mais d’un extrême raffinement de formes.
« Les hôtels ont une âme, révèle Bruno Moinard, chacun la sienne, chacun a sa façon d’être habité. Chaque hôtel est un théâtre avec ses décors, ses personnages, ses secrets, ses intrigues. » De l’extérieur, Cala di Volpe impose au soleil sa bâtisse blanche s’étalant généreusement vers la mer. A l’intérieur, c’est un monde un peu mystérieux, une suite de doux paradoxes architecturaux mixant arcades, ogives, contreforts, escaliers secrets, banquettes imprévisibles, pavements irréguliers… C’est une œuvre d’art un peu bizarre mais rassurante, enveloppante, sensuelle. « Ici, l’étrange coule de source, confirme Claire Bétaille, il fait corps avec la nature ». Et le contact avec cette dernière est fort, legs sans doute de la philosophie New Age des années soixante. « Les maisons paysages de Jacques Couëlle témoignent de cette volonté de réinterpréter la nature pour mieux s’y fondre, ajoute-t-elle. Elles avaient pour vocation dès le début à être habitées.»
« Cala di Volpe, c’est l’harmonie, la surprise, la paix, conclut Bruno Moinard, en un mot le vrai luxe. Notre ambition a été de redonner à ce lieu magique son lustre mais aussi sa fonction dans le monde d’aujourd’hui. » Lieu donc idéal pour croiser têtes couronnées et stars ou pour se glisser dans la peau d’une James Bond Girl, une des séquences de « L’espion qui m’aimait », y a été tournée en 1977.
Encadré : Jacques Couëlle, l’archi délurée…
Il a réalisé peu de maisons mais ce peu a marqué les esprits. Faut dire qu’en plein Mouvement Moderne qui prône la ligne droite et la rigueur monacale, ses architectures sculptures en béton aux lignes organiques qui fleurissent après guerre, distillent une jolie pagaille dans le bien pensant de l’époque. Et le genre fera des petits avec le Palais Bulles de Pierre Cardin réalisé par Antti Lovag (élève de Jacques Couëlle), ou encore la maison du Rouréou à Tourettes-sur-Loup. Dans le filon du célèbre Gaudi à Barcelone qui a également défrayé la chronique avec son non moins déluré parc Guëll.
Photos : Jacques Pepion
https://www.hotelcaladivolpe.com