Ce n’est qu’un petit bout de tulle et pourtant… La voilette cultive le paradoxe. Voilà un accessoire de mode qui a toujours été en vogue sans jamais avoir été vraiment porté. Et si on croise rarement une femme voilée à tous les coins de rue, quoique… on la porte en revanche dans les grandes occasions. Au cinéma surtout, Marlène Dietrich à l’époque de Shanghai Express, Romy Schneider dans Le vieux fusil, la princesse Charlotte Casiraghi plus récemment… On la voit dans les magazines de mode, sur les podiums, notamment pour la dernière collection Haute Couture printemps été 2019 de Christian Dior où la directrice artistique, Maria Grazia Chiuri, a fait défiler ses vestales chapeautées d’un bonnet et d’une voilette faisant scintiller le regard.
Pourquoi ce petit bout de résille, de gaze arachnéenne fait-elle autant tourner les têtes ? Parce qu’il se résume à trois fois rien et que c’est souvent avec trois fois rien que le monde bouge. Car la voilette trouble, entretient le mystère, rend la femme encore plus fatale ou énigmatique, cultive la transparence, implique une attitude, un port de tête. D’où le dilemme, quasi shakespearien. To be or not to be ? Se rendre invisible ou encore plus désirable ? Peut-être les deux… Car un regard n’est jamais autant dévoilé que lorsqu’il est dissimulé. Et il est toujours plus attirant, et dangereux, de deviner ce que la résille cache, et souvent magnifie. De là à y voir une protection, un rempart, comme la burqa ? Rien à voir. Cette dernière efface. La voilette révèle. On retrouve également cette tendance en déco, plus cotte de maille que voile de tulle, nettement moins frivole donc, quoique… Ainsi en est-il du fauteuil Paulistano du designer Paula Mendes da Rocha où assise et dossier sont tendues sur une structure en acier, telle une chemise sur un portant, des fauteuils et canapés de l’atelier Lavit, du célébrissime How High The Moon de Shiro Kuramata…Et des oeuvres d’art aériennes de l’artiste Ruth Asawa. De véritables sculptures, aussi troublantes qu’une voilette sur un visage…